Une nouvelle tendance semble s’imposer ces derniers temps : les rencontres amoureuses dans le noir. A vrai dire, au tout départ, il s’agissait de quelques cafés restaurants où les voyants tentaient de vivre une expérience de non-voyant. Cela permettait à juste titre de mieux comprendre le handicap et de le côtoyer ainsi d’une manière plus juste. Bien sûr, il y avait également un aspect ludique à dîner avec un ami ou son amour dans l’obscurité ; comique dans la pratique, dans l’incapacité par exemple de doser le sel ou le poivre, ou dans les tentatives de couper une viande et a nappe.
Et puis certaines personnes ont eu la bonne idée de carrément se rencontrer dans ces endroits, notamment pour des premiers rendez-vous amoureux, en pensant que le charme pouvait être avant tout dans les mots choisis, dans le timbre de la voix, dans la personnalité, sans l’apparence. Il y a quelques mois, c’est devenu un tel phénomène que TF1 en a fait une émission de télévision : des couples tentaient alors de se former sans se voir. Au fond, si le point de départ de cette nouvelle tendance est une volonté d’apprentissage ou d’expérimentation, cette idéee paraît assez emblématique de notre société. Notre époque, fondée sur le jugement rapide, sur l’apparence et la superficialité, veut ralentir le temps de la rencontre, de la connaissance de l’autre. On se connaît si vite, mais si mal. Avec les réseaux sociaux, on a à peine le temps de rencontrer quelqu’un que l’on a la possibilité de voir toutes les photos de son passé ! Baisser la lumière, c’est une façon d’atténuer la frénésie de notre modernité.
Il y a dans ce nouvel engouement quelque chose qui dépasse le but initial. Il y a une véritable envie de profondeur. Une envie de s’écouter. Une envie de se savoir avant de se voir. De cette façon, on peut peut-être aussi démarrer des relations basées sur des éléments pouvant braver la lassitude. Et si l’amour dans le noir durait plus de trois ans ? L’ironie de tout ça, c’est que l’on dit souvent que l’amour est aveugle. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que l’amour nous éblouit au point de fragiliser notre capacité à la lucidité. Dans ce cas-là, on devrait plutôt dire : l’amour rend aveugle ! Mais peut-être que « l’amour est aveugle « , ça peut aussi vouloir dire que le véritable amouir est celui de la beauté intérieure. L’amour est aveugle de la perception du regard ; l’amour ne peut pas avoir pour vecteur les yeux. Bon, bon, parfois c’est surtout de la belle théorie. Les filles se pâment quand même plus facilement sur Jude Law que sur…bon, je ne dis pas de nom ! Cela reviendrait aussi à dire que l’attirance physique est superficielle, donc éphémère. C’est sûrement le cas, mais ne jugeons pas les attractions physiques. Dans la clarté ou dans l’obscurité, l’essentiel pour chacun est de trouver l’amour. De trouver la personne avec qui on a envie d’aller dans une chambre, et d’éteindre la lumière…
Propos de David Foenkinos écrivain.